Gouache, crayon de couleur, encre, fusain, pastel, graphite, glue pailletée, surligneur, correcteur Tipp-Ex, feutre et stylo sur papier craft
110 × 180 cm
Dodécaphonies 1, collection FRAC Limousin, France
Dodécaphonies 2, collection privée, Singapour
Dodécaphonies 3, collection privée, France
Johana Carrier, Le dessin par le milieu, dans Benjamin Hochart, éd. Adera, 2012
À la suite des artistes conceptuels, la ligne chez Benjamin Hochart est révélée, vient au premier plan, c’est désormais un élément physique. On peut dire, avec Rosalind Krauss, qu’il la laisse « développer le plus fidèlement possible la logique de sa propre expérience » [1]. Benjamin Hochart ayant aussi intégré les leçons du surréalisme et de l’expressionnisme abstrait, ses lignes sont volatiles et ont des qualités expressives, elles dispersent le point focal et créent, avec la couleur, une atmosphère lumineuse. Elles sont tout à la fois concept et geste, mouvement, émotion et narration.
Le mode d’apparition de ces lignes est lié à un processus que l’artiste appelle dodécaphonique, selon la musique mise au point par Arnold Schönberg et dont le système de composition repose sur les douze sons de la gamme chromatique – plutôt que sur l’ordre tonal –, qui doivent se succéder sans se répéter. Benjamin Hochart choisit un certain nombre d’outils de dessin pour lesquels il décide d’un ordre d’utilisation, chacun devant être employé une fois avant de pouvoir l’être à nouveau; de surcroît, un geste particulier est assigné par outil – comme toute règle qui se respecte, il l’enfreint au besoin.
La méthode dodécaphonique qui ouvre à l’artiste un répertoire infini de formes est toutefois une contrainte. Le paradoxe veut que, par l’objectivation du processus et l’abandon du choix de l’outil à la règle, cette contrainte lui permette d’acquérir une liberté: libéré de la sélection à faire entre une panoplie de crayons, de feutres, d’encres, etc., il focalise sur le geste et son immédiateté, avec une spontanéité qu’il qualifie d’automatique. En outre, les outils déterminent, dans une certaine mesure, le dessin. Les traits seront plus ou moins fins si le stylo utilisé a une pointe fine, les aplats seront réalisés plutôt avec des feutres à pointe large, avec toute la gamme des épaisseurs entre. Sans cesse renouvelées, il n’y a pas de limite aux combinaisons d’outils, de formes et de gestes.
- Rosalind Krauss, « La ligne comme langage », La Part de l’œil n° 6, 1990, p. 91.
Yannick Miloux, pour l’exposition Benjamin Hochart - Vladimir Skoda, collection FRAC Limousin, 2015
Passionné par le dessin, Benjamin Hochart a mis au point une première méthode de travail en 2007 dont le grand format présenté a inauguré la série des Dodécaphonies. Il s’en explique ainsi: « J’installe sur un plateau une sélection d’outils de dessin (stylos, crayons, marqueurs, feutres, encres, etc.) dans un certain ordre. Le dessin part d’un point de la feuille et grandit depuis ce point. Aucun des stylos ou crayons ne peut être utilisé à nouveau pour dessiner tant que tous les autres ne l’ont pas été au moins une fois, dans l’ordre. Aussi, je dessine toujours debout, ma feuille posée sur une table autour de laquelle je peux tourner. Cette attitude me permet de circuler dans le dessin comme dans un espace, un labyrinthe ou un paysage. »
Où l’on constate ici que dès ces premières oeuvres, Benjamin Hochart a éprouvé une méthode lui permettant d’explorer les possibilités des matériaux choisis, une organisation pour canaliser et laisser se déployer l’expressionnisme de ses gestes.
Considérant le dessin comme une partition où le risque de la virtuosité doit toujours être pris en compte, Benjamin Hochart développe une recherche polygraphique très inventive où les tensions entre expression et ornement sont au point d’équilibre.