Benjamin Hochart, la démocratie directe des formes,
Pedro Morais, le Quotidien de l’Art, 15 mars 2018
Pas de hasard si, pour sa récente exposition chez Pilote Paris, l’artiste convoquait deux femmes activiste: à la fois la « politique de joie de vivre » de Ynestra King, figure de l’écoféminisme (une mouvance qui est l’objet d’un intérêt renouvelé avec la publication du recueil Reclaim), et la célèbre phrase attribuée à Emma Goldman, figure majeure de l’anarchisme – « Si je ne peux pas danser, je ne veux pas votre révolution » – qui lui a servi de titre.
Car l’élément principal de l’exposition, une série de bannières intitulées Président·es, ne manque pas de mordant concernant les représentations du pouvoir et les blasons d’autorité. Si la banderole ou le drapeau connaissent un nouvel élan actuellement dans l’art, Benjamin Hochart élargit leur potentiel en se posant la question: « Qu’est-ce que représenter ? » Pas vraiment un peuple ou une cause donc, mais notre rapport à la figuration. Inscrivant ses formes sur des tissus pouvant aller de la toile de Jouy au wax, il emprunte une panoplie de figures lui permettant de jouer de nos projections anthropomorphiques (le rictus de Jack Nicholson dans le film Shining, des silhouettes d’une affiche de Rauschenberg pour la chorégraphe Trisha Brown, une boîte pédagogique Montessori ou ses propres mains en mode hypnotiseur) et d’affirmer son goût cannibale pour la bande dessinée et les contre-cultures graphiques.
Délaissant ses déflagrations dessinées, le textile a permis à l’artiste de poursuivre son attachement au monstrueux mais, telle cette bannière avec un intestin, l’ingestion a pris une dimension plus rituelle, animiste et transculturelle.